Michel BASTIDE, maître artisan et gérant du laboratoire LE LAB à Castelnau-le-Lez, dresse les avantages du numérique pour le laboratoire et sa relation avec les cabinets.
Des avantages au quotidien pour le laboratoire et le cabinet
Il n y a plus de question à se poser : le numérique est bien là. Il fait partie de notre pratique de tous les jours.
Aujourd’hui les outils sont totalement aboutis. Ils apportent des possibilités infinies dans notre pratique et dans notre coopération quotidienne dentistes/prothésistes grâce à la technologie numérique, mais aussi grâce à l’apparition et à l’évolution de nouveaux matériaux usinables comme la zircone.
La liste des avantages pour le laboratoire est importante : plus d’empreinte à décontaminer, plus de risque de distorsion des matériaux en fonction de l’hydrométrie, de la température, du temps passé, plus de bulles de sang qui peuvent nous engendrer des pertes d’informations de limite, plus d’expansion du plâtre à gérer… la liste est longue !
Mais pour le cabinet aussi, car grâce à l’empreinte optique, outre le confort pour le patient, c’est le résultat d’adaptation des prothèses qui nous frappe en premier. Fini les aléas d’un matériau capricieux qui se déforme suite aux aléas climatiques, hydrométriques ou tout simplement de manipulation.
Exemple : une semaine montre en main et voilà le résultat d’un cabinet qui passe au numérique pour la réalisation de la 12.
Un apport aussi pour l'implantologie
Le numérique c’est aussi aujourd’hui la chirurgie guidée qui est un avantage pour le laboratoire de préparer ainsi un vrai projet prothétique et pour le praticien de mieux prévoir ses axes et de fait utiliser moins de pilier angulé, ce qui génère une économie non négligeable.
Une longueur d'avance en laboratoire
Il faut savoir que depuis de nombreuses années, les laboratoires utilisent déjà cette technologie et scannent les modèles en plâtre issu de vos empreintes pour réaliser les armatures ou tout type de travaux. En France déjà 60% des laboratoires de prothèse dentaire sont équipés de système de conception et de fabrication numérique. Ils savent déjà que ces outils apportent une sécurité accrue et surtout leurs permettent d’être reproductible en termes d’ajustage. Cependant, cet ajustage ne sera optimal que s’il reçoit pour travailler un fichier numérique qui de fait va supprimer de sa chaine de fabrication les aléas de l’empreinte physique.
L'empreinte optique : gain de temps et fluidité
L’intérêt pour le laboratoire est multiple. Les limites des préparations peuvent être très facilement dessinées par le praticien avant envoi. D’un simple clic le travail à l’instant T se retrouve dans le flux de production du laboratoire et réduit considérablement les pertes de temps et de distance entre le laboratoire et le cabinet. La conception même d’un bridge permet de réduire les facteurs de casse car ici les bridges sont calculés en fonction du choix des matériaux et les connexions des travaux sont mathématiquement et non empiriquement.
Bien sûr l’outil numérique et ses matériaux peuvent nous imposer la réalisation d’un modèle, indispensable pour réaliser par exemple une stratification sur un bridge zircone.
Rien de plus facile à cela : le laboratoire, via un logiciel builder, peut en même temps qu’il usine son armature dans un disque de zircone, réaliser via une imprimante 3D son modèle pour la stratification. Sans celui-ci, il ne peut que réaliser des céramiques mono-teinte maquillées type Cerec ou bien utiliser de la full zircone qui n’apporteront jamais le mimétisme et l’intégration inégalée d’une céramique stratifiée, composée en moyenne pour 8 ou 9 dégradés et chevauchements de matière et de couleur
Cas réalisé par le Dr Marc ZEHLER, bridge zircone et stellite via empreinte optique.
Le modèle américain
Lors d’un récent voyage professionnel, un exemple m’a marqué aux USA. Celui du laboratoire Glidewell qui a investi en CFAO et FAO. Le développement lui a permis de passer aujourd’hui à 4 600 salariés dont 3 600 sur le site de New Port Beach.
Le laboratoire réalise via le numérique plus de 100 000 full zircone par mois avec peu d’erreurs.
Bien sûr Glidewell est un des plus importants laboratoires au monde. Ils fabriquent même une gamme d’implants distribués aux 75 000 dentistes clients du laboratoire. Ceci n’est pas concevable en France pour des raisons démographiques de la profession. Jim Glidewell a toujours voulu démocratiser la prothèse dentaire et pour ce fait a toujours cherché des systèmes de production pour réduire ses coûts et offrir ainsi un produit made in USA de qualité à prix réduit dans un seul objectif, offrir la qualité et le prix au patient final.
Ici on ne combat pas le chairside, on l’utilise. Le labo propose à ses clients des systèmes clef en main avec la fourniture. Il propose aussi la modélisation à distance des prothèses ou bien via un Connect, capable de lire tout type d’empreinte numérique, ainsi que la réalisation des prothèses avec ou sans le modèle. Il utilise toutes les cordes du chairside pour en faire un allier. Ainsi un prix pour la modélisation, un prix pour la réalisation sans modèle et un prix avec le modèle. Tout sera fait en fonction des attentes du dentiste et de son cas prothétique.
Aux USA dans le laboratoire la réponse au chairside, mais n’oublions pas même avec le numérique « la valeur » c’est l’homme. Un entrepreneur qui ne pense pas à l’avenir ou qui ne se projette pas dans l’avenir, je crois qu’il n’est plus entrepreneur. Des mots plein de bon sens.
Trouver sa voie
Il faut se forcer à ouvrir les yeux, ne pas sombrer dans le défaitisme ou l’alarmisme de certains formateurs aux idées préconçues. Il faut prendre le temps de chercher et de trouver son chemin. Il est évident que la peur de l’inconnu, de ces innovations, peut paralyser nos imitatives. Il ne faut pas non plus être aveuglé par le chant des sirènes des fabricants prêts à vendre leur veste pour quelques euros, ne pas être dupe mais vigilant. Voilà pourquoi échanger est important afin de comprendre et se faire une idée des évolutions et des orientations à entreprendre. Sortir de son cabinet et se rendre chez son prothésiste est surement la première étape pour comprendre les dernières évolutions, trouver sa solution et répondre à l’attente des patients.